Fellini Roma
Federico Fellini
Italie • France, 1972
Pathé Bellecour (2ème salle) /le 5.10.2010
20h Fellini Roma de Federico Fellini: Gian Luca Farinelli, directeur de la Cinémathèque de Bologne et du festival Il Cinema Ritrovato et Jean-Paul Salomé
Après Fellini Satyricon (1969) et Les Clowns (1970), Fellini replonge avec Fellini Roma dans son pays aux merveilles, inspiré cette fois par Rome, ville où il s'était installé dès 1938, attiré par le journalisme et par le dessin de presse.
Fellini Roma marque l'affirmation du Maestro à se passer d'acteurs principaux au profit de multiplier les scènes, des courts récits et saynètes où il évoque souvenirs d'enfance et restitue l'ambiance de la métropole italienne grouillante qui le fascine.
" Chaque partie est là, en soi, comme un petit film original"
A l’aune d'un cinéma qui n'existe plus aujourd'hui, Fellini veut improviser plus que d'habitude pour ce film, sans ligne principale, tournant au petit bonheur la chance, libre de toutes contraintes, presque au mépris des contingences financières. De manière gargantuesque, il n'hésite pas à reconstruire 500 mètres de périphérique romain dans son luxueux laboratoire de Cinecittà, plus que jamais convaincu que l'univers d'une représentation entièrement recréée au travers de décors, est plus fort que la réalité :
"le décor comprime l'essence même des éléments" dira-t-il.

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Federico Fellini et l'une de ses figurantes sur le tournage de Roma |
" Je me demande souvent aujourd'hui pourquoi j'ai fait un film sur Rome, ce qui m'a inspiré... A ce propos, on doit savoir que j'ai horreur de voyager. C'est ici que je me sens bien. Alors je pourrais répondre : je fais un film sur Rome parce que je vis à Rome et que la ville me plaît. A l'époque j'affirmais qu'il n'était pas nécessaire de voyager pour vivre l'extraordinaire, l'étranger, l'inattendu et que c'est aussi et justement dans des choses proches que peuvent se révéler des aspects inattendus. Bien plus, c'est bien chez soi et avec des amis que se manifestent brusquement des gouffres, que des fissures se dévoilent et que nous percevons alors, complètement stupéfaits. C'est pourquoi depuis cette époque, j'ai fait de Rome des recherches telles que les aurait faites un étranger, pensé à une ville qui nous est très proche, mais à la fois lointaine comme une autre planète. Partant de cette première représentation, au cours des années, presque sans jamais l'avoir remarqué, le projet de ce film s'est développé en moi."
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L'apparition furtive d'Anna Magnani dans Roma de Fellini |
Fellini qui raconte toujours la même histoire - la sienne - s'emploie comme jamais dans Fellini Roma au sentiment de l'étrange et de l'altérité. Si Rome est le moyen de parler de lui il est aussi celui de parler des autres. La ville il la perçoit "comme un gros visage, rougeâtre qui ressemble à Sordi, Fabrizzi, Magnani". Elle est aussi une mère (la figure matriarcale si chère à Fellini) dont il dit :
"Rome est une mère et en plus une mère idéale parce qu'elle est indifférente. C'est une mère qui a trop d'enfants et qui, par conséquent, ne peut pas se consacrer à toi. Elle n'exige rien de toi, n'attend rien non plus. Elle t'accueille quand tu viens et elle te laisse partir quand tu t'en vas, tout comme le tribunal chez Kafka."
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Une figurante très fellinienne de Roma |
Au final Fellini ressort du tournage comme régénéré par son désir de Rome :
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Peintures romaines dans les bas-fonds de Rome |
"Dans ce film j’éprouve l’étrange sensation de n’avoir même pas effleuré le sujet. Non seulement la matière n’est pas épuisée, mais elle n’a même été entamée. J’ai préparé le film avec le même enthousiasme habituel, j’ai scruté la ville, je suis allé fouiner dans les coins les plus écartés, mais, à la fin, ces lieux, cette humanité, ces palais, ces décors grandioses que je croyais avoir possédés se sont révélés tout à fait vierges, intacts. Rome, en sommes, est restée immaculée, tout à fait étrangère à mon film sur elle. J’ai envie de raconter d’autres histoires sur Rome".
Et le Maestro ne s’arrêtera pas, partant sans cesse à la poursuite des courbes innombrables et insaisissables de cette indomptable chimère si inspiratrice pour lui, de films en films.
La restauration du film
Film restauré par la Cineteca di Bologna, le Museo Nazionale del Cinema (Turin), et le Centro Sperimentale di Cinematografia – Cineteca Nazionale (Rome) à partir des négatifs originaux et des négatifs sonores appartenant à Titanus et conservés à la Cineteca di Bologna. En 1972, après la Première du film à Rome, Federico Fellini, avec son producteur et son scénariste Bernardino Zapponi, décide de réduire le film pour son exploitation internationale. Ainsi, après avoir retrouvé des documents mentionnant la version originale et en utilisant une copie d’origine conservée depuis 1972 à la Cineteca Nazionale au titre du dépôt légal, il a été possible de restituer la version d’origine, inédite en salles. La restauration a été réalisée à L'Immagine Ritrovata.
Séances
Fellini Roma
(Roma)
Italie • France, 1972, 2h08, couleur, format 1:85
Réalisation : Federico Fellini
Scénario : Federico Fellini, Bernardino Zapponi
Photo : Giuseppe Rotunno
Musique : Nino Rota
Montage : Ruggero Mastroianni
Décors : Danilo Donati
Costumes : Danilo Donati
Production : Turi Vasile, Artistes Auteurs Associés (A.A.A.), Produzioni Europee Associati (PEA), Ultra Films
Interprètes : Federico Fellini (lui-même), Anna Magnani (elle-même), Marcello Mastroianni (lui-même), John Francis Lane (lui-même), Gore Vidal (lui-même), Alberto Sordi (lui-même), Feodor Chaliapin (Jules César), Peter Gonzales (Fellini à 18 ans), Fiona Florence (Dolores, la prostituée), Pia De Doses (la princesse Domitilla), Marne Maitland (guide des catacombes), Renato Giovannoli (le cardinal Ottoviani), Dennis Christopher (le hippie)